mardi 29 avril 2008

Ces migrants que l’on criminalise !

Mon Cher Frère, L'Eldorado n'est pas en Occident, j’en conviens avec vous car je sais ce qui se passe pour ceux qui arrivent ici ; mais mon propos n’est pas de dire qu’en Europe tout est beau, tout est possible et que tout est facile. Mon propos est surtout de montrer que ce sont les politiques qui sont mises en place en Europe qui sont à l’origine des difficultés que rencontrent ces jeunes dans nos pays. Enfermer des étrangers, les rafler et les expulser, ce n’est pas dans la Culture de notre pays et qui nous est interdit de céder à la paranoïa de l’immigration clandestine dans laquelle les européens veulent nous enfermer encore et toujours. Ce n’est pas en réprimant les étrangers que nous pourrons aider les jeunes à se construire, ce n’est pas en étant les gendarmes de l’Europe que nous gagnerons en dignité. C’est facile de dire qu’ils meurent en prenant des pirogues, mais qu’on leur facilite l’obtention d’un visa et ils ne mourront plus en mer, que les chefs d’Etat corrompus de nos pays et leurs ministres arrêtent de s’en mettre plein les poches et commencent à penser aux pauvres qu’ils fabriquent tous les jours. En plus, voyez-vous, je suis pour la libre circulation et la libre installation des hommes et des femmes. Que chaque homme et femme vive librement dans le pays qu’il a choisi de vivre. Nous admettons facilement que des œuvres d’art, que des produits circulent entre les pays mais nous admettons difficilement que des hommes libres puissent aller chercher le meilleur pour eux dans une autre partie du globe. Ceux qui meurent dans les pirogues préfèrent ce sort funeste que celui d’attendre que la mort vienne à leur rencontre. Les gens veulent vivre, tout simplement, et vivre dignement. Vous n’avez sûrement, comme moi, jamais été tenté par ces aventures, mais il y’a à côté de vous, des voisins qui vivent avec moins d’un € par jour et par personne et qui ne veulent pas mourir dans la précarité ; Vous savez, le plus drôle dans cette histoire c’est qu’il y’ a des jeunes qui ne partent pas à l’aventure à cause de leur situation de pauvreté ; j’ai rencontré un jeune de Touba, fils d’une riche famille de cette ville. Il disait qu’il partait pour « Yiddé Wondé », c'est-à-dire devenir quelqu’un, quelque chose en Pulaar. On ne part pas que pour l’argent, on part aussi parce que nous sommes des hommes qui aimons découvrir d’autres contrées, d’autres peuples, d’autres civilisations ; nous aimons aller à la rencontre des autres. Jusqu’à aujourd’hui, à l’intérieur de notre sous-région, des hommes quittent leur progéniture pendant de longs mois pour aller chercher de quoi les nourrir ; se déplacer d’un endroit à un autre pour chercher un mieux-être pour soi et pour ses proches n’est pas un crime et à trop vouloir comprendre la politique de l’immigration à la sauce européenne, on peut perdre de vie l’essence de cette « recherche du bonheur ».

C’est vous dire que c’est un problème complexe que cette question d’immigration clandestine que l’Europe veut nous vendre ; Par ailleurs, il est juste que cette Europe qui a longtemps pillé nos matières premières et qui veut désormais piller notre matière grise se rende compte que ce sont les politiques catastrophiques qu’elle a mise en place au cours de ces dernières décennies qui est responsable de ces « pirogues de la mort » ; quand les pêcheurs de Thiaroye- sur- mer , rescapés de la mer disent qu’ils sont prêts à y retourner à la première occasion, ils n’entendent que le cri strident des poissons qu’ils ne peuvent plus pêcher sur leurs côtes car des chalutiers occidentaux sont passés par là. Je comprends parfaitement que ce pêcheur veuille rejoindre « son » poisson qui se retrouve dans les marchés occidentaux à un prix qu’il n’oserait pas imaginer. Rocard, homme de gauche disait que la « France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », mais tout le monde a oublié la chute de sa phrase pour n’en retenir que la moitié ; il ajoutait que la France « devait en prendre sa part ». Je pense que c’est cette partie de sa phrase qui est la plus importante et que c’est cette partie de sa phrase que l’Europe veut aujourd’hui renier en ne prenant plus sa part dans la misère du monde, qu’elle a pourtant longuement contribué à entretenir ; Elle veut s’isoler, se barricader et éloigner de ses frontières tous les pauvres que nous sommes. Les jeunes qui traversent ces océans sont des personnes braves, qui ont beaucoup de dignité et qui veulent simplement améliorer le sort de leurs proches sur terre et je préfère ceux-là à ceux qui s’explosent à la dynamite pour une place au paradis. « Ouvrez les frontières » et ils ne mourront plus, ai-je envie de dire à l’Europe mais aussi à cette Afrique qui est petit à petit en train de perdre son âme en criminalisant les jeunes migrants qui tentent de rejoindre les côtes européennes.

Wa Salaam